Encore un petit extrait de "Qui mange les guêpes ?"
Allez, on parle des abeilles cette fois.
Question : L’autre jour, en rentrant chez moi en train, j’ai vu une grosse abeille entrer par la fenêtre du compartiment. Elle est repartie à la station suivante, environ 20 kilomètres plus loin. Peut-être rentrait-elle aussi du boulot. Cette abeille retrouvera-t-elle son chemin et, à défaut pourrait-elle s’intégrer à une colonie différente de la sienne, ou serait-elle rejetée de la ruche ?
Réponse : Il y a une bonne chance que cette abeille retrouve le chemin de sa ruche. Sa taille indique qu’il s’agissait d’une reine ou d’un bourdon – de l’espèce Bombus . Les abeilles font des vols de reconnaissance autour de leur ruche pour mémoriser des éléments de paysages remarquables. Elles naviguent aussi au soleil, utilisant leur horloge interne pour tenir compte de ses mouvements.
Mon collègue Mark O’Neill a relâché des ouvrières de Bombus terrestris et Bombus pratorum à diverses distances de leur ruche allant jusqu’à 6 kilomètres. Toutes sont rentrées sans problème. Elles ont été emmenées en voiture au point de lâcher, de façon à perturber leur système de navigation. Mais il est probable que leur horloge interne, prenant en compte le mouvement du soleil dans l’intervalle, leur a donné une direction de départ à partir de laquelle elles ont retrouvé leurs marques habituelles.
Cette capacité à revenir à la ruche est vitale pour les abeilles qui se déplacent sur de grandes distances. Les grandes femelles des abeilles solitaires Anthrophora et Proxylocopa, que j’ai étudiées dans le désert du Neguev, parcourent au minimum 8 kilomètres par jour pour rejoindre leurs sources de nourriture. Les ouvrières d’Apis Mellifera, plus petites, s’éloignent à plus de 13 kilomètres, et l’on a vu des abeilles tropicales à 30 kilomètres de leur ruche.
Si votre abeille voyageuse était une reine Bombus, elle aurait pu s’intégrer à une autre colonie de la même espèce en se tapissant au fond de la ruche pour s’imprégner de son odeur ce qui désamorcerait l’agressivité des occupants. Une reine en période de ponte pourrait tuer la reine résidante et prendre sa place, mais une abeille désorientée et fatiguée serait tuée par les ouvrières locales. Tout cela est également vrai pour les bourdons.
Une femelle d’Anthrophora incapable de trouver son nid pourrait en creuser un nouveau si les conditions s’y prêtaient. Mais pour autant que je sache, personne ne l’a jamais vérifié.
(Chris O’Toole, systématique des abeilles, Musée d’Histoire Naturelle, Université d’Oxford)
La suite, l'année prochaine !
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Marie-Claude