A rencontre spéciale entre Spipolliens, compte rendu spécial.
Je vous laisse découvrir le document ci-dessous.
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Département du Gard Le 22 juillet 2017
Ville d’Uzès
Service de police municipale
N°34/2017
- Rapport de signalement
- Gérard Mensoif
- Agent de police judiciaire adjoint
- A monsieur le maire
- Sous couvert de la voie hiérarchique
Objet : Présence de deux suspects aux Truffières d’Uzès
P.J. : Photos prises par des témoins
J’ai l’honneur de vous rendre compte de ce qui suit.
Ce jour, conformément aux instructions reçues, en tenue d’uniforme et assisté du gardien de police municipale Jean Bon, en mission de surveillance sur la route d’Alès, j’ai aperçu des individus suspects sur le site des Truffières d’Uzès. Une rencontre entre Spipolliens était prévue et deux individus n’appartenant pas à cette secte considérée comme inoffensive ont été remarqués parmi eux.
Dès 9h45, deux Spipolliens ont été vus ensemble sur le site des Truffières. D’autres sont arrivés plus tard, jusqu’à 11h au moins. J’ai pu identifier Valie (Valérie), mclowenfr (Marie-Claude), ber (Albert) et steed (Marc) déjà aperçus sur notre territoire ainsi que Prisca (Marie-Hélène) et lechene (Pierre-Jean) que des témoins ont identifiés pour nous.
Il semble que la bonne humeur habituelle des Spipolliens ait été au rendez-vous. Retrouvailles, discussions passionnées, rires, … Tout ceci ne m’aurait pas alerté si deux personnes à l’aspect et au comportement inhabituels n’avaient pas attiré mon attention.
J’avais déjà remarqué la présence de trois personnes semblant liées aux Spipolliens (les témoins) mais celles-ci, sans faire partie de la secte, ont semblé assez bien intégrées au groupe.
En fin de matinée, j’ai commencé à observer les faits et gestes des deux suspects équipés de caméra et de micro. Ils ont tout d’abord discrètement suivi les Spipolliens qui écoutaient Albert racontant la création de l’insectodrome. (voir photos 1 et 2 jointes au dossier)
Après cette filature, les suspects se sont glissés au milieu des Spipolliens durant le repas. Une grande table ayant été installée sous les arbres, des victuailles nombreuses ont été apportées : salade de pois chiches à la provençale, salade de pommes de terre aux harengs, tartare de tomate, mezze, tarte à la brandade, tielle, pizza, pélardons, croustade aux pommes, melon, calissons, vin blanc, vin rosé, … (voir photos 3 et 4 jointes au dossier)
Sans méfiance, les Spipolliens ont partagé leur repas avec les suspects … mais pas avec mon collègue et moi-même dont les estomacs ont commencé à gargouiller.
Vers 15h, certains Spipolliens ont commencé à quitter la table et à se disperser sur le site des Truffières pour prendre des photos d’insectes et autres. Il parait que c’est leur lubie. (voir photo 5 jointe au dossier)
Moi, les mouches dans le pastis, je supporte pas. Mon collègue non plus. Enfin, je veux pas dire que mon collègue tombe parfois dans mon pastis. Les mouches, dans le pastis du collègue, on se comprend ?
Les deux suspects sont encore restés un moment près de la table puis ont recommencé à suivre les Spipolliens, allant de l’un à l’autre. Nous n’avons pas tout de suite compris ce qu’ils pouvaient bien faire avec leur caméra et leur micro. Les Spipolliens, en train de spipoller, n’ont pas fait beaucoup attention à eux. Ils les ont tolérés, leur adressant parfois la parole quand même mais nous n’avons pas pu obtenir d’enregistrement de ces échanges. Les Spipolliens ont-ils été spipollés ?
A partir de 17h, les premiers Spipolliens ont quitté le site des Truffières en plusieurs vagues. Nous en avons profité pour interroger les témoins.
Le témoin Virgile a d’abord cru que nous l’interrogions sur les Spipolliens. Il nous a rapporté qu’il les voyait comme des gens passionnés et heureux d'expliquer leur plaisir de spipoller, leur envie d’apprendre, d’être utiles. Pendant qu’ils prennent des photos, les Spipolliens deviennent un peu inaccessibles mais il porte néanmoins sur eux un regard bienveillant. Leur esprit convivial lui a donné envie de les revoir et il est rassuré quant au cas de sa femme, elle n’est pas la seule à être zinzin des insectes. Le travail réalisé par Albert (amphithéâtre, nichoirs, aménagements, …) l’a bluffé, un vrai travail de Romain ! Il a compris plein de choses mais aura besoin d’une session de rattrapage pour comprendre quelques détails. Là où le témoin a été désagréable, c’est quand il nous a dit s’être régalé avec la tielle de Pierre-Jean à laquelle mon collègue et moi-même n’avons pas pu goûter.
Quant aux suspects, il n’a rien eu à nous dire à leur sujet à part qu’ils n’avaient pas eu l’air dangereux.
J’ai dû mal poser mes questions parce que le témoin Annie m’a d’abord répondu : « En fait, je ne voulais pas venir, monsieur l’agent ». Ensuite, elle a avoué qu’elle n’avait pas été déçue de son immersion dans la secte spipollienne. Ils ne sont pas nuisibles. « Je croyais que mon mari était unique et bien non !!! Il existe d’autres personnes capables de dire "il y a du monde" plutôt que ça grouille d’insectes, de discuter pendant des heures de papillons et de plantes hôtes, de prendre rendez-vous avec des Apollons lors de balades en montage, de s’émerveiller d’un jardin en friche, etc. » Laisser son mari spipoller en paix est peut-être un peu au-dessus de ses forces mais elle est rassurée sur le fait que la spipollite aigue n’empêche pas les gens d’être très fréquentables. Curieusement, le témoin Annie a également été désagréable en ajoutant que le banquet spipollien avait été un moment délicieux dans tous les sens du terme.
Mon collègue et moi-même ne pouvons toujours pas confirmer ce point, n’ayant pas été invités.
Quant aux suspects, le témoin n’a rien eu à nous dire à leur sujet à part qu’ils avaient plutôt eu l’air intéressants et sympathiques.
Enfin, le témoin Simone que nous connaissions déjà car habitant Uzès, est restée très discrète sur les événements qui se sont déroulés sur le site. Sa gentillesse et sa bienveillance bien connues nous ont incités à la laisser partir sans interrogatoire approfondi.
Les deux suspects toujours présents ont alors semblé empêcher trois Spipolliens de partir : Marie-Claude, Albert et Pierre-Jean. Craignant une prise d’otage, mon collègue Jean Bon et moi-même avons resserré la surveillance. Les trois Spipolliens assis sur des bancs de pierre au milieu de l’insectodrome faisaient face aux deux suspects qui les ont longuement interrogés sur leur pratique du Spipoll. Ils n’ont pas bougé durant tout l’interrogatoire. Les Spipolliens avaient-ils été menacés de représailles s’ils cherchaient à s’échapper ? Ils ont néanmoins essayé de détourner l’attention des suspects en leur faisant remarquer la présence d’un énorme sirex mais celui-ci n’étant pas resté en place, l’interrogatoire des Spipolliens a repris.
Finalement, les Spipolliens ont été libérés, avec un grand sourire, peut-être de soulagement du fait de cette libération.
En recoupant tous les témoignages et observations, il semblerait en fait que les suspects préparent un film sur la pollinisation et les sciences participatives. L'idée principale étant de faire découvrir le monde des pollinisateurs au grand public et que des Spipollien.ne.s racontent leur expérience du Spipoll. Les Spipolliens ont donc bien été spipollés !
N’ayant pas été appelé à l’aide par les derniers Spipolliens à partir, à 19 heures, j’ai regagné mon service pour rédiger le présent rapport.
Identités des suspects :
Hélène Dupont : Après quelques années au Muséum d’Histoire naturelle, prend la caméra pour faire des films sur l’écologie. A fait sa thèse aux côtés de Nicolas Deguines et Colin Fontaine. A assisté à la naissance du Spipoll
Maxence Lamoureux : Cinéaste animalier. Ne filme habituellement pas les humains
Identité des témoins :
Simone : compagne d’Albert
Annie : épouse de Marc
Virgile : mari de Marie-Hélène
Aucune violence sur Spipollien n’ayant été rapportée, la mise en place d’une assistance psychologique par téléphone n’a pas été jugée nécessaire et ce dossier peut être considéré comme clos.
Gérard Mensoif
(mais toujours faim)
Transmis sous le couvert du commissaire de police Jules Maigret conformément à l’article 21-2 du CCP, à :
- Monsieur le maire ;
- Monsieur le procureur de la République
Copie aux archives du service
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PS, je remercie les « témoins » pour avoir bien voulu répondre à mon interrogatoire et j’espère que la retranscription réarrangée de leurs réponses leur aura plu.